Vivement que les cases en obus repoussent à Pouss
Mon
périple de la journée m’avait conduit de Yagoua à Pouss, sur les bords du
fleuve Logone, dans le prolongement du lac de retenue de Maga. Mon vœu au
départ était de suivre le cours du fleuve en remontant vers le nord, jusqu'au lac
de Maga. Hélas, la fin d’une saison de pluie exceptionnelle était encore fraîche.
Les eaux, qui habitent les terres dans cette région par temps de pluie, ne
s’étaient pas encore totalement retirées et suivre cette route m’a été fortement
déconseillé par les connaisseurs. J’ai dû changer mon plan de route et
rejoindre ma destination en suivant la route Yagoua-Kalfou- Bogo – Guirvidig-
Maga-Pouss.
De ce voyage long et passionnant, j’espérais découvrir,
enfin, les cases en obus de Pouss. J’imaginais
tout un village peuplé de ces cases à l’architecture si particulière mille fois
observées sur des cartes postales ou dans les livres présentant les beautés et
merveilles du Cameroun.
Pour assouvir mon rêve, j’ai parcouru la plaine du Tchad
sur des pistes où, seul le flair vous sert parfois de guide tellement la route
n’existe pas. J’ai longé l’impressionnante digue de
35 Km qui sert de butoir aux eaux qui forment le lac de Maga, cette étendue
d’eau qui a été construite à la fin des années 80 afin de servir la culture
irriguée de riz dans la région. Dans cet environnement si sec en cette période,
cette étendue d’eau semble sortie d’un chapeau de magicien.
Après une escale-photo sur les bords du Logone où,
commerçantes Bororos, troupeaux de bœufs et pêcheurs se côtoient, je prends finalement
la direction de Pouss à la découverte des cases en obus. Qu’est-ce que c’est au fait ? La case
obus est une case à la forme architecturale si singulière. Par cette singularité,
elle avait marqué l’écrivain français André Gide lors de son séjour en Afrique
dans les années vingt. Notées par tous les voyageurs et missionnaires comme
formes inédites, ces architectures ont été attestées dans le Nord Cameroun et
au Tchad où vivent les Musgums, peuple de pêcheurs et d'éleveurs de chevaux.
Véritable curiosité à l’époque coloniale, elles ont
suscité de nombreuses descriptions imagées : "poterie cuite par le soleil
ardent", " pains de sucre ", " coquille d'œuf ", mais
le terme "case obus" s'est vite imposé, à cause d'une métaphore
évidente pour les premiers observateurs, tous militaires. Ces cases sont construites dans un mélange de
terre et d'herbe, sur un plan circulaire, par superposition d'assises
successives, pour des unités pouvant atteindre quinze à vingt mètres de
hauteur.
La case obus est le résultat d'un véritable travail de
potiers. Élevée sans armature, on peut dire
qu'elle est modelée à la main, dans une pâte composée d'argile et de paille
avec un système de cannelures qui permet à la fois de la renforcer et de
l'escalader pour la réparer après les dégâts de la saison des pluies. Le sommet
en est percé d'une ouverture circulaire, qui éclaire l'intérieur et qui sert de
cheminée. La porte est en «trou de serrure». Il faut environ 6 mois pour
construire une case obus.
Ma déception est grande lorsque, sous la conduite du
guide qui fait office de conservateur de cette merveille architecturale, j’apprends
que cet habitat a cessé d’être celui des Musgums depuis bien longtemps. Ce peuple n’arrivait pas à suivre le cycle de
construction assez longs de ce type d’habitat a opté pour la case circulaire
recouverte de chaume plus simple à bâtir. Le site que je visite est le dernier
témoin de ce savoir-faire aujourd’hui presque disparu...
La concession se compose de 5 éléments : la case du chef
de famille, les cases des épouses, la cuisine et le grenier qui se situe au
milieu de la cour. Les murs des
cases comportent diverses décorations exécutées assez finement à la main. La
case de la première épouse, en plus des décorations murales, donne à admirer
l’ingéniosité et la complexité des relations familiales. Cette case comporte un
compartiment supplémentaire auquel on accède par un sas. Ainsi en cas de
danger, toute la famille se réfugiait dans cette pièce qui était ensuite
refermée par un bouclier tenu fermement de l’intérieur. Dans l’obscurité du sas
se tenait le chef de famille armé d’une lance ou d’un coupe-coupe afin de
repousser toute intrusion.
Au début des années 1990, la technique de l’architecture
traditionnelle musgum n’était plus connue que de quelques personnes âgées. En 1996, à la demande de l’Association
culturelle Musgum, Patrimoine sans frontières (PSF), une organisation
non-gouvernementale française qui œuvre dans la protection du patrimoine
culturel, a organisé à Mourla (Pouss), un chantier-école (octobre 1996-avril
1997) permettant de préserver ce savoir-faire. C’est ainsi que la concession
témoin de cinq cases que j’ai visité été élevée afin de sauvegarder ce la
technique de construction et le patrimoine. Vivement que des villages avec des
cases en obus repoussent à Pouss.
Le lac de Maga
Le système de vannes du lac de Maga
Jeunes filles à la lessive sur les bords du Lac
L'un des canaux qui servent à l'irrigation
Femmes Bororos sur une pirogue au moment de la traversée vers le Tchad
Un pêcheur
Jeunes filles Bororos
Cheminée d'aération et d'éclairage des cases en obus
Les décorations dans les cases
la case du chef de famille
La case de la première épouse. On observe le sas qui la relie à la case refuge
Vue panoramique de l'intérieur d'une case
Le système de cannelure qui sert a renforcer la structure et d'échafaudage pour travaux de réparation. Les motifs varient selon les constructeurs et les villages.
Le système de cannelure qui sert a renforcer la structure et d'échafaudage pour travaux de réparation. Les motifs varient selon les constructeurs et les villages.
Le système de cannelure qui sert a renforcer la structure et d'échafaudage pour travaux de réparation. Les motifs varient selon les constructeurs et les villages.
Devant la case du chef de famille en compagnie du guide et conservateur du site
La case du chef de famille
Une vue de la concession
Une vue de la concession
L'entrée du Sultanat de Pouss
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