J’ai rencontré Ghandi

Du 20 au 28 août 2011, je suis parti à la découverte de l’Uganda. Je vous livre, ici, le récit de ma découverte.





L'Uganda. Pays chargé de symbole dans mon esprit. Le pays d'Amin Dada, l’aide-cuisinier de l’armée britannique devenu président, qui fut à l’origine de l’une des dictatures les plus sanglantes d’Afrique. Le Pays du raid sur Entebbe, cette l'histoire de détournement d'un avion d’Air France qui s'est achevé par un raid de commandos d'élite israéliens. Le pays du lac Victoria, la plus grande étendue d’eau du continent africain. Le pays de la source du Nil à Jinja sur les bords du lac victoria…
Les choses ont bien change dans le pays. Après rebellions et coups d’Etat le pays s'est mis dans le sens de la marche. Ce sentiment me traverse dès mon arrivée dans le nouveau terminal de l’aéroport d’Entebbe.
Il est presque minuit ici. Le sol est propre et les services de police courtois. Je dois m’acquitter des formalités de visa. Mon passeport est présenté à un agent de sexe féminin, souriant, équipée d’un ordinateur qui se charge de collecter mes paramètres biométriques, photo et empreintes digitales. Elle me délivre un reçu et un visa de 30 jours pour 50 dollars. Aucune question sur le but de ma visite ou mon pays de provenance. Le tout en moins de 3 minutes. J’avais imaginé l’accueil bien différent.
Horizons Resort
Ce matin sur Entebbe ou j’ai pris mes quartiers sur les bords du lac Victoria - il doit son nom à l'explorateur britannique John Henning Speke qui fut en 1858 le premier européen à l'atteindre, et qui le baptisa en l'honneur de la Reine Victoria.-, la brise souffle et les vagues sur le lac hautes. Je profite pour méditer. La vue sur cette vaste étendue d’eau autour de laquelle de nombreuses activités, économiques, immobilières et touristiques sont organisées inspire repos et quiétude. Le lac s’étend 68.1000 km2 (240 kilomètres de largeur et 337 km de longueur) et concentre une bonne partie des activités économiques de ce pays de plus de 30 millions d’habitants.

En milieu de journée, je me lance à la découverte de Kampala qui est relié à Entebbe par une route de 32 kilomètres occupée de part et d’autre de petites villes; ce qui créé une certaine continuité entre les deux agglomérations. Je constate à quel point la société de consommation est installée ici. Les rues sont bordées de panneaux publicitaires géants qui promeuvent toutes sortes de services : téléphonie, bières, assurances, banques, stations de radio, bouquet satellitaires, lessives... et même la politique. Il n’est pas rare de rencontrer des affiches à l’effigie de Yoweri Museveni ou d’autres donnant un détail sur le calendrier électoral tout en incitant le citoyen à s’inscrire car le « pouvoir lui appartient ».



Kampala Serena
Nous optons pour un brunch entre amis au Serena Kampala un hôtel situé au cœur du quartier d’affaires. Le Serena Kampala brille par son architecture au style oriental entouré d’immenses jardins agrémentés d’étangs où flottent nénuphars et autres papyrus. Ce dimanche, le buffet offre une grande variété de mets. J’opte de partir à la découverte de la cuisine ougandaise - ici, les mets sont généralement organisés autour d’une variété de banane douce aux doigts courts que l’on appelle ici « Matoke ». On la consomme verte bouillie ou frite- Ce sera poulet « Luwombo » pour moi. Ce mets se compose de poulet et d'épices pour rehausser le goût. Le tout est cuit à l’étouffé dans des feuilles de bananier. Une espèce de "Ndomba" comme on dirait au Cameroun. J’apprécie la finesse et la subtilité de la cuisine ougandaise avec délectation. Je suis satisfaitar l'expérience.

Le Déjeuner terminé, on se lance à la découverte des centres commerciaux de Kampala. Ils sont nombreux les lieux de shopping. Signe du dynamisme économique qui habite le pays de Yoweri Museveni qui, après 23 années d'une longue et couteuse guerre civile, a décidé de lancer son pays sur la voie du progrès. Un de mes compagnons de promenade, cadre dans une entreprise de télécommunications, m’explique: « Si tu veux lancer ton entreprise, tu le fais en 24 ou 48 heures"  pour donner un sens à mon constat sur le dynamisme de l'économie ougandaise.

Shopping
Pour le shopping, les mordus de l’activité auront un large éventail. L’enseigne sud-africaine Shoprite avec ses deux surfaces de Kampala (Lugogo et Clock Tower) et le Garden City Shopping Centre, composé de deux malls voisins, Uchumi et Nakumatt initiatives d’investisseurs kenyans, donnent de la variété.
Les allées, boutiques, cafés et restaurants, qui composent les aires de shopping, sont bondés. Ougandais, Indiens, Chinois Européens… en famille ou entre amis, viennent goûter, ici, les délices de la société de consommation. A regarder cette variété de nationalités on se fait une idée du métissage de la société ougandaise qui présente une forte composante indo-pakistanaise qui, tient pour la plus part les commerces et l’industrie du pays. L’expulsion de plus de 60 mille d’entre eux par Idi Amin Dada en 1972 en a peut-être réduit le nombre, mais pas le dynamisme.
Kampala
De retour vers Entebbe, la file de voitures de retour des bords du lac est interminable. Je constate que les délestages sont présents dans la vie des Ougandais. Le pays subit une sévère pénurie d’énergie. Mon guide m’explique que l’Ouganda est le pays au monde, après le Japon, où le coût de l’électricité est le plus élevé. Dans la pénombre, les « Matatus », appellation des minibus qui assurent le transport entre Kampala est ses banlieues sont bondes de clients qui, après un séjour dans la capitale partent retrouver leurs habitations.
Gyrophares et sirènes hurlantes, il arrive très souvent aux automobilistes, qui empruntent cette route fréquemment, de rencontrer Yoweri Museveni, le « Gentelman farmer » au chapeau à large bord qui rentre de la présidence, situés au cœur de Kampala, vers le State House qu’il s'est fait construire, par une entreprise chinoise, sur les hauteurs d'Entebbe pour l’accueil du sommet du Commonwealth en 2007. Dans l’obscurité, son palais de marbre blanc, brille de mille feux et fait contraste. Ce qui suscite bien de commentaires chez ses concitoyens et dans la presse qui ne se prive pas de critiques parfois acerbes..

La presse
La presse écrite en Ouganda est organisée autour 5 quotidiens le New Vision, Daily Monitor, le Daily Nation, le Red Pepper et le Bukkeder. Ces derniers produisent également des éditions week-end avec une emphase sur des informations people.
Si New Vision, Daily Monitor et Daily Nation, se présentent comme des journaux d’information générale à la pagination importante, au contenu riche et varié avec une qualité d’impression irréprochable, le Red Pepper dans la pure tradition des tabloïds anglais propose une information trash. Scandales de sexe, de sang et d’argent composent ses Unes pour l'essentiel. Le Bukedde Quotidien en langue locale, Luganda, complète l’éventail en donnant les informations générales écrites en kinyarwanda.

Le Jardin Botanique et le Zoo
Les journées à Entebbe se déroulent calmement. La ville qui fut jusqu’à l’indépendance du pays la capitale politique se contente aujourd’hui du statut de banlieue résidentielle.
Toutefois les attractions y sont nombreuses. Sur recommandation d’un ami, je décide partir à la découverte du Jardin Botanique et du Zoo d’Entebbe.
Le Jardin botanique est une pure merveille de nature. Sur plus de 40 ha en pleine ville, on peut parcourir sur près de 4 kilomètres des pistes qui conduisent auprès d’espèces venues du monde entier. Par moment, il n’est pas rare de rencontrer des singes traversant les pistes ou se balançant aux arbres.
A la suite du jardin botanique, je me lance vers le Zoo afin de compléter mon immersion dans la nature. Après m’être acquitté des frais d’accès, j’opte, avec mes compagnons de visite, pour une voiture électrique afin de faire le tour de cet espace où on rencontre de nombreux spécimens de la faune africaine : lions, rhinocéros blancs, crocodiles, aigle pêcheurs, pélicans, pythons, chimpanzés, buffles…
Le sentiment qui me frappe est cette impression d’ordre et de propreté qui se dégage. Ici on est conscient que l’éco-tourisme représente une source de rentrée importante.
Ma visite s’achève par un déjeuner au restaurant du zoo qui domine le lac Victoria. Poisson frit et pommes de terre sont au menu. Une Nile Gold, bière locale refroidie à l’extrême, accompagne l’ensemble. Faut bien calmer la soif.









Kampala by night
Au 6è jour de mon séjour en Ouganda, je décide de découvrir Kampala by night. Ça tombe bien. On est vendredi. Il était bien temps. Je dois rentrer à Douala dimanche à la première heure. Et demain, j'irais visiter les sources du Nil à Jinja.
Mes guides choisissent pour débuter la soirée "Le Beaujolais". Curieux comme nom dans cet environnement anglophone. Et pourtant. Visiblement ça fait chic ici. Fort de ma connaissance de la langue française, je me lance dans un exercice de prononciation qui semble amuser mes équipiers d’aventure... "Le Beaujolais" est un complexe qui comprend des bars, restaurants, club de gym et Night-Club. Je dois subir le supplice de me retrouver dans un night a club à une heure précoce. Pour l'expérience je laisse aller. Quelques verres pour une mise en route et nous décidons de continuer l’exploration. La prochaine étape, le "Fat Boyz", un bar avec terrasse dont le plafond est décoré aux effigies des présidents américains. Ici la jeunesse ougandaise se shoote à la bière, qui est le breuvage de base. Le choix est large : Guinness, Nile Gold, Nile Speciale, Club, Bell, Tusker...  Le rap made in USA sorti des haut-parleurs qui hurlent sans arrêt est roi. Tupac et Dr Dre tournent à fond sur les platines. Le parking ne désemplit pas. Pour l'entrée, il faut subir le contrôle de métaux. Le pays est en armes. Le moindre gardien porte en bandoulière un AK47. La guerre n’est pas si loin.
A la recherche d’exotisme, nous mettons le cap sur "Virgin Islands", un grand boukarou au toit de chaume, sous lequel la jeunesse ougandaise carbure au Ragga, adapté aux sonorités locales, et sous les airs de la rumba congolaise, JP Mpiana, Koffi Olomide... La bière coule à flots. Le public est jeune. Apparemment nous sommes dans le voisinage de l’université de Kampala.
La soif de découverte nous conduit ensuite au "Cayenne". J’ai rendez-vous là-bas avec un compatriote et ami de longue date. Le public est radicalement diffèrent des arrêts précédents : expatriés, hauts cadres d'entreprises, jet-setters invétérés... Le complexe de loisir est organisé autour d'un restaurant 24h/24, d'un bar et d'une piscine.
Par beau temps, lorsqu'il ne pleut pas, la fête se passe en plein air. Et ça danse... Magic Systems, Mafikizolo, Rihana, Sean Paul...musique indienne. Tout y passe. Ici la diversité est de mise et le public chinois, européen, indien, africain... Mais des classes aisées de Kampala.
Quelques verres d'un excellent whisky plus tard, je dois jeter l'éponge et rentrer me coucher. Demain sera un jour long.

A la source du Nil
Apres une nuit courte et un repos réparateur, Bosco, mon guide me conduit à Jinja, aux sources du Nil, le fleuve le plus long au monde, qui prend naissance dans cette ville. Situe à 80 km de Kampala, nous devons affronter les bouchons  légendaires de Kampala pour nous y rendre. On est patient et tout fini par s’arranger.
Sur le chemin nous traversons la forêt de Mabira qui fait la manchette des quotidiens Ougandais en ce moment. Le président Yoweri Musevenini ambitionne, contre la volonté de son peuple de l’attribuer à la firme indienne Mehta Group qui souhaite y développer une exploitation sucrière. Des manifestations contre ce projet ont causé la mort de 4 ressortissants indiens pris à partie par les manifestants à Kampala.
A Jinja notre premier arrêt. C’est la source du Nil. Ici se rencontrent les eaux du lac victoria et les eaux d'une source souterraine qui, se mélangeant donnent naissance à une des branches du plus long fleuve du monde, le Nil blanc. Des affiches publicitaires géantes souhaitent la bienvenue aux visiteurs dans ce lieu chargé de symboles. On croise ici des nouveaux mariés qui y viennent pour des séances photos.
Je négocie rapidement avec un conducteur de pirogue pour m’amener à la source du Nil. Ca me coutera 50 mille shillings ugandais (20$). Je saute dans l'embarcation après avoir pris le soin de me munir d’un gilet de sauvetage. En 3 minutes nous arrivons sur la petite île près de la quelle jaillit une source souterraine dont le bouillonnement en surface laisse supposer une forte pression en dessous de la surface. Plus loin une borne  de béton haute de plus de 3 mètres indique la naissance du fleuve et le point de départ des 6300 km qui font le parcours de ce fleuve jusqu’aux bords de la Méditerranée à travers Ouganda, Soudan et Egypte.
Quelques photos pour la postérité, et nous voilà repartis vers la berge ou je découvre avec émotion le buste du Mahatma Gandhi, apôtre universel de la paix et de la non-violence dont les cendres furent dispersées, à sa demande, sur le Nil, précisément ici à la source, en 1948. 
Puis guide Bosco me conduit à travers la ville qui est abrite une forte communauté indienne. Les vastes propriétés aux toits de tuiles rouges et aux jardins immenses habitées par ces derniers composent des quartiers entiers sur les bords du fleuve. Je suis impressionné de voir de telles bâtisses simples et imposantes à la fois, avec leur architecture victorienne, rehaussée par les pelouses interminables dans cet endroit sorti comme d’une carte postale.





Bujagali Falls
Après cette découverte, des sources du Nil et du buste de Ghandi, chargée d’émotions, direction les Bujagali falls situées à une vingtaine de kilomètres de la source du Nil. Ici la régularité du cours du fleuve est coupée par des chutes qui soulignent sa puissance.
Comme la pluie s'est invitée entre temps, nous en profitons pour prendre notre déjeuner. Un tilapia du Nil frit, accompagné de frites de pommes de terre, compose mon repas. Une "Nile Special" sera mon breuvage. On est bien sur les berges du Nil. Comment aurait-il pu en être autrement.
Les chutes de Bujagali sont une vraie attraction. Des irrégularités dans le cours du fleuve créent des rapides. Pour 10.000 shillings (3$), les visiteurs peuvent assister à un spectacle hallucinant : des enfants des villages avoisinant se jettent dans les rapides munis d'un bidon de plastique comme engin de survie ou en kayak-canoë. Ils descendent alors cette impressionnante masse d’eau gonflée et rougie par les eaux de pluie à plus de 100 km/h
Cette escapade en pleine nature terminée, je dois rentrer à Entebbe pour faire mes valises et me préparer à retrouver mon quotidien de Douala. La tête pleine de souvenirs et de découvertes. C’est sûr. Je reviendrai un jour. Je reviendrai.







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