Paul Biya : Réalités d’un long règne !


"Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut". Une expression du parler Camerounais qui transpire populisme, orgueil et vanité. Un «Camerounisme» comme auraient dit les linguistes qui analysent les appropriations de la langue française à travers le monde.

De nombreux Camerounais ne cessent de s'extasier sur cette phrase- qui leur ressemble et les rassemble-  prononcée par le président Paul Biya lors de la conférence de presse qui marquait la fin des entretiens entre les présidents français et camerounais lors de la visite d'Etat du premier au Cameroun vendredi dernier. Elle n'est en rien différente des : "Le Cameroun, c'est le Cameroun" ou "tu veux manger le piment avec ma bouche"...

La vraie question est de savoir si une alternance, gage d'une démocratie véritable, est possible dans notre pays où pour l'essentiel du temps, la politique se résume aux motions de soutiens pompeuses auxquelles, les signataires guidés uniquement par un instinct de survie, ne croient nullement.  Les nombreuses modifications de constitution et une fraude électorale systémique complétant le tableau.

Nous savons comment on dure au pouvoir dans notre république et Paul Biya ne peut se livrer ainsi à un exercice de contre-vérité en soutenant qu'il a toujours été élu puisqu'il a hérité du pouvoir des mains de Ahmadou Ahidjo et fait preuve, durant les 33 années de son règne, d'un art rare de la dictature pour s'y maintenir de force...

La phrase prononcée avec fierté consommée et délectation par Paul Biya est riche d'enseignements. Elle  me conforte dans l'idée que nous aurons encore Paul Biya pour President pendant bien longtemps au Cameroun. 

Ainsi Je décèle au moins trois points derrière ce «Camerounisme»

Le premier aspect qui se dégage est le suivant : sans vouloir jouer les oracles, la certitude lointaine que Paul Biya sera candidat à sa propre succession en 2018, ou au cours d'une élection présidentielle anticipée est avérée.

L'agenda politique de 2018 très chargé avec de nombreux rendez-vous électoraux (sénatoriales, législatives, municipales, présidentielles) pourrait le contraindre à avancer certaines échéances.

Deuxième aspect, non négligeable :  la CAN 2019 que le Cameroun organisera sera pour Paul Biya l'occasion de célébrer avec faste son règne à la tête de l'Etat au moment ou l'Afrique et le monde auront les yeux rivés sur le Cameroun. Cette compétition, la deuxième que le Cameroun accueillera,  offrira sans doute a Paul Biya un motif de fierté digne de son ambition et sa longévité record au pouvoir. Quelle belle consécration en session de rattrapage. 
Donc nul besoin de continuer à spéculer. Il faut déjà intégrer le  paramètre CAN 2019 dans tous les agendas et calculs politiques, économiques et sociaux des mois et années à venir.

Troisième aspect : les rancœurs et frustrations entretenues par le régime actuel ainsi que l'environnent politico-judiciaire dominé par l'opération Epervier ne donnent pas la sérénité nécessaire au locataire du palais d’Étoudi d'envisager une quelconque sortie. 

 A cela, si on rajoute le spectre d'Amadou Ahidjo, mort en exil après avoir été poursuivi par la justice dans le cadre d'une tentative de coup d'Etat. Il serait presque injure pour le politicien rompu et aguerri qu'est Paul Biya de ne pas prendre en compte ces faits dans ses calculs.

Ainsi pourrait se lire l'agenda caché de celui qui ne dure pas au pouvoir parce qu'il veut, mais parce qu'il peut...À moins que, avant même que ne s'amorce de telles perspectives, qu'il s'en aille un peu à la Houphouët-Boigny.  De manière anticipée... C'est aussi ça la démocratie.  

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