Celestin Lingo: Le négociateur



Par un subterfuge Haman Mana avait réussi à déjouer les gendarmes venus le cueillir.
S'étant rendu compte que l'oiseau s'était envolé, le lieutenant de gendarmerie M.E, furieux, ordonne l'interdiction d'accès ou de sortie du bâtiment qui abrite les bureaux de Mutations sis Place Repiquet. Les personnes présentes au sein de la rédaction de Mutations à cet instant se retrouvent ainsi prisonnières.
Entre temps, le téléphone arabe et son cousin portable ont fonctionné. Informées par les radios locales et internationales qui avaient été sensibilisées à la situation de siège que subissait Mutations, de nombreuses personnes et parfois des personnalités se dirigent vers le siège du Journal pour s'enquérir de la situation.Parmi elles, Celestin Lingo.
Prévenant et attentionné, dans son style fait d'humour et de décontraction, Celestin Lingo va prendre toutes les informations afin de pouvoir apprécier la situation et la démarche de sortie de crise à suivre.
C'est ainsi qu'il mettra en exergue ses talents de négociateur pour convaincre les pandores de lever le siège de Mutations avec la promesse de présence de Haman Mana au poste de gendarmerie le lendemain matin à 9 heures.
Les gendarmes repartis vers leur caserne, Celestin Lingo entreprend alors d'aller à la rencontre de Haman Mana cloîtré dans sa cachette de circonstance.
Les échanges sont vifs. Certains estiment que le Directeur la publication de Mutations ne doit sous aucun prétexte se rendre car, on ne peut nullement faire confiance au pouvoir de Yaoundé. Seul Celestin Lingo est d'avis contraire.
Et pour mettre tout le monde d'accord, il usera d'une formule choc qui résonne encore dans mon esprit comme si c'était hier: "un statut ne s'assume pas sans sacrifice".
Il venait ainsi d'éclairer nos esprits, parfois naïfs, du danger qui entoure le métier de journaliste, mais aussi nous faire comprendre que pour grandir dans notre environnement et accéder à un statut de journaliste dans le plein sens du terme, pour aspirer au Panthéon des défenseurs de la liberté d'informer, au respect, il fallait passer par les cases arrestations, brimades, répression et parfois... prison.
Cet argument fît mouche. Haman Mana se rendît, volontairement, à la gendarmerie le lendemain matin comme promis par le négociateur.
La scène se passe en juillet-août 2001. Le président de la République Paul Biya vient de signer une série de secrets, 21 plus précisément, sensés moderniser l'Armée camerounaise dans son ensemble.
Curiosité camerounaise, seul Cameroon Tribune, le journal gouvernemental, publie à dose homéopathique lesdits décrets. Le Directeur de publication de Mutations d'alors, Haman Mana, flaire le coup commercial.
Usant de son carnet d'adresse fourni, il va réussir à mettre sur le marché une édition spéciale de Mutations contenant l'ensemble des textes.
L'après-midi du jour de la parution, un lundi, le journal reçoit la visite d'un officier de gendarmerie. Ses attributs indiquaient qu'il portait le grade de lieutenant.
Prétextant l'acquisition d'un grand nombre d'exemplaires, il engageât une conversation avec Haman Mana.
Par les orientations données à la discussion, le directeur de la Publication compris que la nasse était entrain de se refermer sur lui.
L'affaire des "21 décrets" venait de commencer.

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