Transformation des services publics au Cameroun, le passeport montre le chemin
J’ai fait une expérience très récente, du Centre National de Production des Passeports de Yaoundé (CNPP), dans le cadre du renouvellement de mon passeport. Quelques idées et suggestions ont germé dans mon esprit. Je les partage avec vous.
Une expérience client et un vecteur de performance
L’administration publique camerounaise devrait intégrer la notion d’expérience client dans sa mission de service public. Commençons par définir ce que c’est l’expérience client.
L’expérience client regroupe l’ensemble des interactions entre une marque et un client, qu’il s’agisse d’un achat, d’une sollicitation de centre d’appel, d’une publicité vue à la télévision, d’un rendez-vous en boutique… Cet ensemble d’actions donne au client un ressenti général, et une appréciation plus ou moins positive de la marque. Rapporté à notre sujet, le client serait ici assimilé au demandeur de passeport, et la marque serait la police nationale, un démembrement de l’administration publique camerounaise.
Le premier postulat à intégrer ici serait le principe commun à toute relation commerciale : «Le client est roi» ou encore «Client first», qui veut que la stratégie de l’organisation repose sur les besoins des clients. Ceci devrait être le cas encore plus dans des situations de monopole, comme c’est le cas dans le processus de délivrance des passeports.
L’accueil, le suivi, la courtoisie et l’orientation des clients doivent être essentiels, dans la tenue générale des agents affectés au fonctionnement du Centre national de production des passeports (CNPP). Pour l’instant, et à l’observation, les choses semblent se passer de façon correcte. Les agents s’acquittent de leurs missions avec sérieux et professionnalisme.
Amélioration continue de la qualité de service
L’utilisation de l’outil informatique est un avantage dans l’amélioration continue de l’expérience client. Le système de gestion de l’enrôlement en ligne doit être disponible 24/24, et suffisamment robuste, pour faire face aux nombreuses sollicitations. De même, le système de gestion des files d’attente doit fournir des données dont l’analyse doit conduire à une amélioration continue du service et des performances. Par exemple, des données telles que le nombre de personnes reçues par jour, le temps moyen de traitement des enrôlements et de remise des passeports, les mois de grande affluence, les mois de faible demande, les régions de forte et de faible demande, les types de difficultés rencontrées par les clients doivent pouvoir être exploitées pour un meilleur service. L’analyse et l’exploitation de la donnée doivent devenir le principal outil d’aide à la décision, au détriment de la décision hiérarchique.
En outre, une analyse objective des données doit également permettre la mise en place d’un système de gratification adossé à des contrats de performance transparents, dans la perspective d’encourager l’excellence et le dépassement de soi. Il est question ici d’évoluer vers une administration publique hautement performante, au service de l’Etat et du citoyen.
Il serait aussi important d’introduire la mesure de la satisfaction des clients, des demandeurs de passeport, avec des instruments comme le NPS ( Net Promoter Score) ou le CSI (Customer Satisfaction Index), afin de suivre, à intervalles réguliers, l’évolution de la qualité de service, et corriger rapidement les écarts avec la norme.
L’expérience client centre de profit
Il est évident que la simplification et l’accélération du processus de fabrication des passeports vont générer un volume de demande plus important. Le passeport quittera son côté élitiste pour devenir une pièce d’identité des plus ordinaires.
Plus que le produit et le prix, les consommateurs privilégient la qualité du service.
De nombreuses études démontrent d’ailleurs que les clients sont prêts à payer plus cher, à condition que la qualité du service suive.
J’ai observé que malgré l’augmentation de la taxe du passeport de 75 à 110 mille F Cfa, soit un bond de 68%, le nombre de demandeurs est toujours en croissance.
Projetons quelques hypothèses, pour bien fixer le décor de propos.
Le CNPP compte 16 comptoirs – dont 3 consacrés aux opérations de retrait – et dispose d’une capacité de traitement minimal de 60 enrôlements par heure. Pour une journée de 8 heures, il peut traiter plus de 500 enrôlements, et générer environ 60 millions de F Cfa de recettes, soit près de 1.4 milliard de F Cfa par mois ou encore 14 milliards de F Cfa en une année. Pour se faire une idée des revenus générés par l’ensemble des centres de production de passeports du Cameroun, il faudrait multiplier ce chiffre par 3 ou 4 à minima, soit entre 50 et 60 milliards de F Cfa de recettes en hypothèse basse.
Cette somme représente un revenu important, qui nécessite d’envisager la construction d’infrastructures nouvelles, à même de faire face à la demande sans cesse croissante, et maintenir ainsi la qualité de service dans des standards acceptables. La construction de centres d’enrôlement modernes supplémentaires à Yaoundé, Douala, ainsi que dans les autres chefs-lieux de régions ne serait pas superflue.
Il importe aussi que le parcours client soit également étendu aux ambassades et consulats, relais importants dans l’établissement ou l’acquisition de divers documents administratifs. Loin du Cameroun, l’établissement d’un passeport s’apparente souvent à un supplice.
Aller plus loin…
Il est important d’étendre le modèle de production de passeports à d’autres activités de l’administration publique. Les administrations fiscale et douanière se sont déjà engagées sur ce chemin, et d’autres devraient suivre : délivrance de la carte nationale d’identité, des actes de naissance, établissement des divers certificats ou actes administratifs comme les titres fonciers, péages routiers, paiement de cessions dans les hôpitaux…
Il est évident que la mise en place de tous ces projets doit être soutenue par la mise en place de bases de données robustes, fiables et centralisées, pour éviter les diverses fraudes. La blockchain pourrait être utilisée éventuellement, pour sécuriser les différentes transactions. Pour faire simple, la blockchain est un registre qui permet de stocker et d’échanger des informations de façon fiable et non-modifiable. C’est un grand livre comptable partagé, répliqué et infalsifiable.
Risques
Comme toute médaille, la digitalisation a son revers. De nouveaux risques paraissent avec l’introduction de l’outil informatique dans le processus de gestion des processus autrefois manuels. Le cyber risque est un de ceux qui pourraient entraver la bonne marche de ces activités, et impacter durablement l’expérience client. Le piratage ou le vol de données des utilisateurs doivent être l’objet de surveillance étroite. L’actualité récente nous indique un croissance forte des cas de rançongiciels - programme malveillant qui chiffre les données d’un individu ou d’une organisation en vue de lui extorquer de l’argent, qui ont paralysé les systèmes d’information de nombreuses entreprises, hôpitaux ou administrations à travers le monde.
Belle plume.
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