Bouba Kaélé : De El Alamein à Mbalam
« Bouba Kaélé, Mle 40.996.19525 Répondant à l’appel de la
France en péril de mort, vous avez rallié les Forces françaises Libres. Vous
avez été de l’équipe volontaire des bons compagnons qui ont maintenu notre pays
dans la guerre et dans l’honneur.
Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de
remporter la victoire ! Au moment où le but est atteint, je tiens à vous
remercier amicalement, simplement au nom de la France ! 1er septembre 1945, C
de Gaulle». Le parchemin, jauni par les années mais, en parfait état de
conservation, plonge l’imagination du lecteur sur le sentier de la vie et de la carrière de cet
officier d'armée que le destin, aussi insondable qu’imprévisible à son habitude, avait
conduit sur les sentiers des plus grandes tragédies de l’humanité et au cœur de
l’histoire récente du Cameroun en faisant de lui un acteur et un des bâtisseurs de l’Armée camerounaise.
Rien ne prédestinait Bouba Kaélé – il était également appelé
Tekwake, faucon, en langue moundang - deuxième enfant d’une fratrie de trois, à la
carrière des armes.
Né en 1920 à Kaélé, il perd son père quand il a trois ans
et doit, très rapidement, apprendre à compter sur lui même. Epris d’aventure,
il quitte son village natal pour se rendre à Garoua. Là-bas, il vit de petits
métiers. Il est convoyeur d’un transport qui assure la liaison entre le Nord du
Cameroun et le Nigeria, quand Hitler décide de changer le cours de l’histoire
du monde. L’Europe et le monde basculent dans la guerre.
La France est rapidement occupée. Le général de Gaulle se
retrouve à Londres. Et le colonel Leclerc part pour l’Afrique afin de rallier
les colonies et protectorats à la France libre. Débarqué à Douala le 27 août
1940, dans un télégramme, il écrit: «Le Cameroun, depuis le jour même de
l'armistice, a crié son indignation, son désir de continuer la lutte aux côtés
des alliés, sa volonté de rester libre et de ne pas se soumettre à l'ennemi. Le
général de Gaulle, chef reconnu des Français Libres, a entendu cet appel. En
son nom, j'ai pris ce matin, 27 août 1940, le poste de commissaire général et
déclare le Cameroun autonome politiquement et économiquement…».
Dans la foulée,
la protection des territoires de la France libre se prépare, le Régiment des
tirailleurs du Cameroun (RTC) est créé. La France a besoin de bras jeunes,
forts et vigoureux pour la lutte. Bouba Kaélé a le profil de l’emploi. Il est doté avec son physique imposant - il mesure un mètre quatre-vingt et est doté d’une grande force. Il
s’engage comme volontaire le 12 décembre 1940 à Kaélé et est incorporé au
Bataillon de marche N°5 qui se forme au début de 1941. L’unité est constituée
de volontaires de races noire et blanche..
Une centaine d'Européens, d'active ou de
réserve, composent les cadres et les spécialistes. A sa tête, le commandant
Gardet. L'instruction a lieu dans un camp, à 70 km de Yaoundé, sur la rive
droite de la Sanaga, en un site bien mal choisi : chaleur humide, moustiques,
tsé-tsé composent le quotidien. Cinq mois d'instruction dans une ambiance de dur travail, de foi
ardente, de confiance en le chef de la France Libre. Fin septembre le bataillon
est prêt. Pour tromper son attente, il est envoyé dans le Nord, à Garoua.
Enfin le 1er février 1942, l'ordre de départ arrive. Destination, le Levant. Le Bataillon prend sa dénomination de guerre: Bataillon
de Marche n°5 (BM N°5). Les campagnes commencent pour Bouba, à qui, raconte une
anecdote, on a rajouté comme patronyme Kaélé, sa localité d’origine, pour le
distinguer des autres Bouba originaires d’autres localités et nombreux dans le
bataillon de marche.
Les marches sont longues et nombreuses. Les batailles aussi… Le faucon noir
participera au cours de la Deuxième guerre mondiale à 7 campagnes. La guerre s’achève et le Caporal Bouba Kaélé du Bataillon
de marche N°5 est cité à l’Ordre de l’Armée par décret signé du général Charles
de Gaulle pour avoir pris part, au sein de la 2è Brigade française libre
(DBFL) «aux opérations de Lybie, Tunisie, Italie, Provence et Vosges». Il
reçoit la Croix de la Libération et la Croix de Guerre avec palme.
Toujours mobilisé après la fin de la deuxième guerre pour le
compte de l’armée française, Bouba Kaélé se retrouve en Indochine du 6
septembre 1951 au 2 septembre 1953. L’environnement est hostile et les combats âpres.
Le 9 Juin 1953, à Xuan-Trai (Nord Viet-Nan), la 4è compagnie du Bataillon de
Marche des Tirailleurs Sénégalais N° 32 (BMTS N°32) à laquelle appartient le
sergent Bouba Kaélé est prise sous un feu nourri de l’ennemi. Son commandant de
compagnie est blessé grièvement. Il faut tout le courage et la bravoure du
«sous officier africain dévoué et courageux » pour lui sauver la vie. Cet acte
de bravoure lui vaudra une citation à l’Ordre du BMTS N°32.
Rentrés au Cameroun, les tirailleurs sortis de la Deuxième
guerre mondiale et d’Indochine constituent les prémices des l’armée
camerounaise au sein de ce qui est alors appelé le Bataillon des Tirailleurs du
Cameroun (BTC), un des éléments constitutifs des troupes de l’Afrique équatoriale française.
Les opérations de maintien de l’ordre sont le quotidien. Puis, arrive l’indépendance
le 1er janvier 1960. La situation politique d’Ahmadou Ahidjo est précaire. Le
Cameroun, jeune Etat, a besoin de cadres, non seulement pour son administration,
mais aussi pour son armée afin de faire face à la rébellion qui commence à
ébranler le pays.
Ouest-Cameroun - Bouba Kaélé est promu lieutenant, le 1er janvier 1960 par
décret N°59.254 du 30 décembre 1959. Il a pour compagnon de promotion Bikelé
Daniel, Soboth Lazare, Ngomena Bouba, Maidoki. Ce sont ces officiers,
avec à leur tête le capitaine Pierre semengue, qui encadreront les troupes de
la jeune armée camerounaise lors du défilé marquant l’accession à l’indépendance.
Commencent alors pour lui une carrière et un parcours d'officier riches, au sein d’une armée camerounais qui fait ses premiers pas. Ainsi, Bouba Kaélé est promu
capitaine le 30 septembre 1961. Parmi les promus avec lui, les lieutenants Etonde Ekoto et
Bikele.
La période d’indépendance coïncide également avec la naissance de
troubles en pays Bassa et dans l’Ouest du Cameroun. L’armée est mise à
contribution pour ramener l’ordre. Bouba Kaélé y participe activement. L'un des diplômes qui accompagne ses nombreuses médaille en donne une idée. Le motif de la distinction est ainsi libellé :
«Officier courageux de très grande valeur, dynamique et résistant, adjoint au
commandant de la 4è compagnie, s’est fait remarquer de mars à juillet 1960 au
cours d’opérations de maintien de l’ordre en pays Bamiléké – a largement
contribué par son activité incessante au bilan de la compagnie : 140 rebelles
tués, 100 armes récupérées, par son activité de propagande auprès des
populations, ramena le calme dans la région de Bangwa-Bagangté. En 1962, cet
officier était désigné pour effectuer une reconnaissance de renseignement dans
les régions du Mbiang, Mouyang, Doubiang, Nkondjock et Tongo. Au cours de cette
mission, a détruit un important maquis de 14 places, fait 4 prisonniers et
récupéré des documents très importants». C’est ainsi qu’il sera informé par un
texte signé du lieutenant-Colonel Pierre Semengue, commandant de l’armée de
Terre, dans un document daté du 14 mars 1967, de sa promotion exceptionnelle
dans l’Ordre de Vaillance pour les faits cités plus haut.
Personnalité - Les avis des diverses personnes
interrogées sur sa valeur d’officier, convergent presque tous et laissent
penser que Bouba Kaélé «était apprécié pour son charisme et respecté pour ses
nombreux faits d’armes et des prises de position qui allaient toujours dans le
sens de la protection de ses hommes.», confie un de ses fils rencontré durant notre enquête. Interrogé sur le rôle de Bouba Kaélé
dans la construction de l’armée camerounaise, un officier de l'armée camerounais, aujourd’hui à la
retraite, nous confie: «c’était un officier d’une très grande valeur morale. Il
était apprécié de tous les militaires, sans distinction d’ethnie ou de classe.
C’est quelqu’un à qui tous les officiers se confiaient, il rassurait les hommes
de troupe, les officiers et… le pouvoir politique en place. Chose que certains
de ses chefs civils et militaires n’appréciaient pas… ».
Pour certains de ses chefs civils et militaires, qui souffraient beaucoup de l’ombrage de l’officier originaire de
Kaélé, Ce dernier n’était perçu que comme un "illettré", pas du tout digne du corps des officiers d'armée, qui aurait dû s’arrêter dans la troupe. Un avis très vite nuancé par de nombreux
officiers rencontrés. «Avec un Etat-Major, il était un stratège vif et
intelligent, limité uniquement par son manque d’instruction», commente l’un
d’eux à propos des capacités militaires de Bouba Kaélé.
Il se raconte d’ailleurs, à son propos, un fait fort intéressant, qui
illustre bien le niveau de compréhension et d’analyse de l’environnement dans lequel évoluait Bouba Kaélé, mais
aussi du respect qu’il inspirait au pouvoir politique d'alors. Nous sommes au milieu des années 60. Durant les opérations de
maintien de l’ordre dans l’Ouest Cameroun, un officier commet une bavure et tue de sang froid deux
individus. L’affaire prend une dimension politique. Les députés originaires de
la région où l’exaction a lieu réclament la tête du coupable. Le ministre des
Forces armées d’alors, Sadou Daoudou, sous la pression décide de punir
les fautifs et de les traduire devant un conseil de discipline militaire pour «Violation de consignes ». Bouba Kaélé est dans son rôle d’assesseur consulté sur la question. Il dit alors sans détours aux politiciens : «Si vous vous
comportez ainsi avec les officiers, ne vous attendez plus a ce qu’ils exécutent
les missions ou les ordres que vous leur confierez. Car, se sentant en insécurité, ils croiseront les bras simplement et ce
sera la fin de l’armée camerounaise et du régime en place». Son conseil fut
suivi et l’officier fautif pu poursuivre sa carrière, qu’il termina d’ailleurs
comme colonel.
Influent, respecté et même adulé par certains, Bouba Kaélé poursuit sa
carrière et reste au cœur du processus de «pacification». Promu Chef de
bataillon le 1er juillet 1964, il prend le commandement du Bataillon de commandement et
services (BCS) qui sera, à partir du 1er Avril 1965, mué en Commandement du
Quartier général (CQG) ancêtre de la Brigade du Quartier Général (BQG). On est en novembre 1965.
Le front Est - Décembre 1967, alors que les populations de la province de
l’Est s’apprêtent à célébrer les fêtes de fin d’année leur paix est troublée.
L’UPC persiste, en cohérence avec sa stratégie de lutte, à ouvrir un second
front dans la zone de forêt dense. La ville de Djoum est investie. Le sous-prefet Mbarga, qui a perdu son garçonnet, tué par les assaillants dans
la caisse où il s’est réfugié, est pris en otage. Le gouvernement doit
réagir pour ramener la situation au calme et rétablir son autorité. Ahmadou Ahidjo est inquiet et
fatigué de ces troubles à répétition qui fragilisent son pouvoir.
Le commandant
Bouba Kaélé est alors instruit par la hiérarchie de mettre un terme à la situation. Ainsi il reçoit alors sa mission, par instruction ministérielle
N°774/MINFA/S, qui entre autres lui enjoint de : «capturer, détruire ou refouler hors du
territoire camerounais les éléments camerounais rebelles qui y ont pénétré,
reconduire ou repousser à la frontière, sans brutalités inutiles, mais si
nécessaire par la force, les autorités ou éléments des forces régulières
congolaises abusivement implantées en territoire camerounais…». L'instruction définit aussi le périmètre et les précautions que le détachement qu'il conduit ne devra pas franchir : «en aucun cas pénétrer en territoire congolais sans ordre du Ministre
des forces armées… rendre compte des prisonniers faits (identité nationalité)…
avoir une conduite irréprochable vis-à-vis des populations. Agir fermement à
leur égard si elles manifestent une hostilité agressive».
Le détachement Bouba
Kaélé exécute sa tâche et repousse les rebelles vers le Congo et le Gabon par
les villes de Mbalam et Alati. Le calme est de retour. La rébellion
définitivement vaincue.
Bouba Kaélé poursuit sa carrière et est promu
lieutenant-colonel le 1er juillet 1968 et colonel cinq années plus tard, le 1er
juillet 1973.
Le colonel Bouba Kaélé fait son adieu aux armes à la suite au
décret N°79/413 du 9 octobre 1979. Une cérémonie de passation de commandement
est organisée dans la stricte tradition militaire entre le commandant entrant,
le colonel Ngoura Beladji et le sortant Bouba Kaélé, mettant ainsi fin à une
carrière d’une quarantaine d’années, sans discontinuer, qui l’aura conduit de
l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe au gré des diverses batailles auxquelles il aura participé.
Le 22
septembre 1982, Radio Cameroun ouvrait son journal avec en titre «Le Colonel Bouba
Kaélé est mort !». Ainsi disparaissait un officier qui aura marqué ses
contemporains et son époque de façon durable par son attitude et un ensemble de
valeurs qui donnent au métier des armes tout son attrait et son sens : honneur, fidélité bravoure et courage.
Repères
Naissance : 1920
Décorations camerounaises
• Commandeur de l’Ordre de la Valeur
• Officier de l’Ordre de la Valeur
• Chevalier de l’Ordre de la Valeur
• Grand cordon du Mérite camerounais
• Mérite Camerounais de 3è et 2è classe
• Croix de la Vaillance avec deux palmes
• Mérite de la force publique
Décorations étrangères
• Officier de la Légion d’Honneur
• Médaille militaire
• Médaille des Forces française libres commémorative de la
résistance
• Croix du combattant volontaire
• Médaille commémorative
• Médaille coloniale avec agrafe N°17 (Lybie)
• Médaille coloniale avec agrafe (Tunisie)
• Médaille coloniale avec agrafe (TOE)
• Croix de guerre (Hanoï)
• Etoile noire du Benin
« Bouba Kaélé, Mle 40.996.19525 Répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces françaises Libres. Vous avez été de l’équipe volontaire des bons compagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l’honneur.
Rien ne prédestinait Bouba Kaélé – il était également appelé Tekwake, faucon, en langue moundang - deuxième enfant d’une fratrie de trois, à la carrière des armes.
Né en 1920 à Kaélé, il perd son père quand il a trois ans et doit, très rapidement, apprendre à compter sur lui même. Epris d’aventure, il quitte son village natal pour se rendre à Garoua. Là-bas, il vit de petits métiers. Il est convoyeur d’un transport qui assure la liaison entre le Nord du Cameroun et le Nigeria, quand Hitler décide de changer le cours de l’histoire du monde. L’Europe et le monde basculent dans la guerre.
La France est rapidement occupée. Le général de Gaulle se retrouve à Londres. Et le colonel Leclerc part pour l’Afrique afin de rallier les colonies et protectorats à la France libre. Débarqué à Douala le 27 août 1940, dans un télégramme, il écrit: «Le Cameroun, depuis le jour même de l'armistice, a crié son indignation, son désir de continuer la lutte aux côtés des alliés, sa volonté de rester libre et de ne pas se soumettre à l'ennemi. Le général de Gaulle, chef reconnu des Français Libres, a entendu cet appel. En son nom, j'ai pris ce matin, 27 août 1940, le poste de commissaire général et déclare le Cameroun autonome politiquement et économiquement…».
Dans la foulée, la protection des territoires de la France libre se prépare, le Régiment des tirailleurs du Cameroun (RTC) est créé. La France a besoin de bras jeunes, forts et vigoureux pour la lutte. Bouba Kaélé a le profil de l’emploi. Il est doté avec son physique imposant - il mesure un mètre quatre-vingt et est doté d’une grande force. Il s’engage comme volontaire le 12 décembre 1940 à Kaélé et est incorporé au Bataillon de marche N°5 qui se forme au début de 1941. L’unité est constituée de volontaires de races noire et blanche..
Une centaine d'Européens, d'active ou de réserve, composent les cadres et les spécialistes. A sa tête, le commandant Gardet. L'instruction a lieu dans un camp, à 70 km de Yaoundé, sur la rive droite de la Sanaga, en un site bien mal choisi : chaleur humide, moustiques, tsé-tsé composent le quotidien. Cinq mois d'instruction dans une ambiance de dur travail, de foi ardente, de confiance en le chef de la France Libre. Fin septembre le bataillon est prêt. Pour tromper son attente, il est envoyé dans le Nord, à Garoua.
Enfin le 1er février 1942, l'ordre de départ arrive. Destination, le Levant. Le Bataillon prend sa dénomination de guerre: Bataillon de Marche n°5 (BM N°5). Les campagnes commencent pour Bouba, à qui, raconte une anecdote, on a rajouté comme patronyme Kaélé, sa localité d’origine, pour le distinguer des autres Bouba originaires d’autres localités et nombreux dans le bataillon de marche.
Les marches sont longues et nombreuses. Les batailles aussi… Le faucon noir participera au cours de la Deuxième guerre mondiale à 7 campagnes. La guerre s’achève et le Caporal Bouba Kaélé du Bataillon de marche N°5 est cité à l’Ordre de l’Armée par décret signé du général Charles de Gaulle pour avoir pris part, au sein de la 2è Brigade française libre (DBFL) «aux opérations de Lybie, Tunisie, Italie, Provence et Vosges». Il reçoit la Croix de la Libération et la Croix de Guerre avec palme.
Toujours mobilisé après la fin de la deuxième guerre pour le compte de l’armée française, Bouba Kaélé se retrouve en Indochine du 6 septembre 1951 au 2 septembre 1953. L’environnement est hostile et les combats âpres.
Le 9 Juin 1953, à Xuan-Trai (Nord Viet-Nan), la 4è compagnie du Bataillon de Marche des Tirailleurs Sénégalais N° 32 (BMTS N°32) à laquelle appartient le sergent Bouba Kaélé est prise sous un feu nourri de l’ennemi. Son commandant de compagnie est blessé grièvement. Il faut tout le courage et la bravoure du «sous officier africain dévoué et courageux » pour lui sauver la vie. Cet acte de bravoure lui vaudra une citation à l’Ordre du BMTS N°32.
Rentrés au Cameroun, les tirailleurs sortis de la Deuxième guerre mondiale et d’Indochine constituent les prémices des l’armée camerounaise au sein de ce qui est alors appelé le Bataillon des Tirailleurs du Cameroun (BTC), un des éléments constitutifs des troupes de l’Afrique équatoriale française. Les opérations de maintien de l’ordre sont le quotidien. Puis, arrive l’indépendance le 1er janvier 1960. La situation politique d’Ahmadou Ahidjo est précaire. Le Cameroun, jeune Etat, a besoin de cadres, non seulement pour son administration, mais aussi pour son armée afin de faire face à la rébellion qui commence à ébranler le pays.
Ouest-Cameroun - Bouba Kaélé est promu lieutenant, le 1er janvier 1960 par décret N°59.254 du 30 décembre 1959. Il a pour compagnon de promotion Bikelé Daniel, Soboth Lazare, Ngomena Bouba, Maidoki. Ce sont ces officiers, avec à leur tête le capitaine Pierre semengue, qui encadreront les troupes de la jeune armée camerounaise lors du défilé marquant l’accession à l’indépendance.
Commencent alors pour lui une carrière et un parcours d'officier riches, au sein d’une armée camerounais qui fait ses premiers pas. Ainsi, Bouba Kaélé est promu capitaine le 30 septembre 1961. Parmi les promus avec lui, les lieutenants Etonde Ekoto et Bikele.
La période d’indépendance coïncide également avec la naissance de troubles en pays Bassa et dans l’Ouest du Cameroun. L’armée est mise à contribution pour ramener l’ordre. Bouba Kaélé y participe activement. L'un des diplômes qui accompagne ses nombreuses médaille en donne une idée. Le motif de la distinction est ainsi libellé : «Officier courageux de très grande valeur, dynamique et résistant, adjoint au commandant de la 4è compagnie, s’est fait remarquer de mars à juillet 1960 au cours d’opérations de maintien de l’ordre en pays Bamiléké – a largement contribué par son activité incessante au bilan de la compagnie : 140 rebelles tués, 100 armes récupérées, par son activité de propagande auprès des populations, ramena le calme dans la région de Bangwa-Bagangté. En 1962, cet officier était désigné pour effectuer une reconnaissance de renseignement dans les régions du Mbiang, Mouyang, Doubiang, Nkondjock et Tongo. Au cours de cette mission, a détruit un important maquis de 14 places, fait 4 prisonniers et récupéré des documents très importants». C’est ainsi qu’il sera informé par un texte signé du lieutenant-Colonel Pierre Semengue, commandant de l’armée de Terre, dans un document daté du 14 mars 1967, de sa promotion exceptionnelle dans l’Ordre de Vaillance pour les faits cités plus haut.
Personnalité - Les avis des diverses personnes interrogées sur sa valeur d’officier, convergent presque tous et laissent penser que Bouba Kaélé «était apprécié pour son charisme et respecté pour ses nombreux faits d’armes et des prises de position qui allaient toujours dans le sens de la protection de ses hommes.», confie un de ses fils rencontré durant notre enquête. Interrogé sur le rôle de Bouba Kaélé dans la construction de l’armée camerounaise, un officier de l'armée camerounais, aujourd’hui à la retraite, nous confie: «c’était un officier d’une très grande valeur morale. Il était apprécié de tous les militaires, sans distinction d’ethnie ou de classe. C’est quelqu’un à qui tous les officiers se confiaient, il rassurait les hommes de troupe, les officiers et… le pouvoir politique en place. Chose que certains de ses chefs civils et militaires n’appréciaient pas… ».
Pour certains de ses chefs civils et militaires, qui souffraient beaucoup de l’ombrage de l’officier originaire de Kaélé, Ce dernier n’était perçu que comme un "illettré", pas du tout digne du corps des officiers d'armée, qui aurait dû s’arrêter dans la troupe. Un avis très vite nuancé par de nombreux officiers rencontrés. «Avec un Etat-Major, il était un stratège vif et intelligent, limité uniquement par son manque d’instruction», commente l’un d’eux à propos des capacités militaires de Bouba Kaélé.
Il se raconte d’ailleurs, à son propos, un fait fort intéressant, qui illustre bien le niveau de compréhension et d’analyse de l’environnement dans lequel évoluait Bouba Kaélé, mais aussi du respect qu’il inspirait au pouvoir politique d'alors.
Influent, respecté et même adulé par certains, Bouba Kaélé poursuit sa carrière et reste au cœur du processus de «pacification». Promu Chef de bataillon le 1er juillet 1964, il prend le commandement du Bataillon de commandement et services (BCS) qui sera, à partir du 1er Avril 1965, mué en Commandement du Quartier général (CQG) ancêtre de la Brigade du Quartier Général (BQG). On est en novembre 1965.
Le front Est - Décembre 1967, alors que les populations de la province de l’Est s’apprêtent à célébrer les fêtes de fin d’année leur paix est troublée. L’UPC persiste, en cohérence avec sa stratégie de lutte, à ouvrir un second front dans la zone de forêt dense. La ville de Djoum est investie. Le sous-prefet Mbarga, qui a perdu son garçonnet, tué par les assaillants dans la caisse où il s’est réfugié, est pris en otage. Le gouvernement doit réagir pour ramener la situation au calme et rétablir son autorité. Ahmadou Ahidjo est inquiet et fatigué de ces troubles à répétition qui fragilisent son pouvoir.
Le commandant Bouba Kaélé est alors instruit par la hiérarchie de mettre un terme à la situation. Ainsi il reçoit alors sa mission, par instruction ministérielle N°774/MINFA/S, qui entre autres lui enjoint de : «capturer, détruire ou refouler hors du territoire camerounais les éléments camerounais rebelles qui y ont pénétré, reconduire ou repousser à la frontière, sans brutalités inutiles, mais si nécessaire par la force, les autorités ou éléments des forces régulières congolaises abusivement implantées en territoire camerounais…». L'instruction définit aussi le périmètre et les précautions que le détachement qu'il conduit ne devra pas franchir : «en aucun cas pénétrer en territoire congolais sans ordre du Ministre des forces armées… rendre compte des prisonniers faits (identité nationalité)… avoir une conduite irréprochable vis-à-vis des populations. Agir fermement à leur égard si elles manifestent une hostilité agressive».
Le détachement Bouba Kaélé exécute sa tâche et repousse les rebelles vers le Congo et le Gabon par les villes de Mbalam et Alati. Le calme est de retour. La rébellion définitivement vaincue.
Bouba Kaélé poursuit sa carrière et est promu lieutenant-colonel le 1er juillet 1968 et colonel cinq années plus tard, le 1er juillet 1973.
Le colonel Bouba Kaélé fait son adieu aux armes à la suite au décret N°79/413 du 9 octobre 1979. Une cérémonie de passation de commandement est organisée dans la stricte tradition militaire entre le commandant entrant, le colonel Ngoura Beladji et le sortant Bouba Kaélé, mettant ainsi fin à une carrière d’une quarantaine d’années, sans discontinuer, qui l’aura conduit de l’Afrique à l’Asie en passant par l’Europe au gré des diverses batailles auxquelles il aura participé.
Le 22 septembre 1982, Radio Cameroun ouvrait son journal avec en titre «Le Colonel Bouba Kaélé est mort !». Ainsi disparaissait un officier qui aura marqué ses contemporains et son époque de façon durable par son attitude et un ensemble de valeurs qui donnent au métier des armes tout son attrait et son sens : honneur, fidélité bravoure et courage.
Très bonne heureuse année 2018, le Colonel à la retraite Mang Sylvestre mon père ,et moi même, avons pris plaisir à lire la biographie du Colonel Bouba Kaélé sous les ordres auquel il a travaillé de nombreuses années, étant par ailleurs désigné par lui comme porte drapeau à chaque défilé... une complicité des plus d'un mètre 80 au teint noir ciré ?
RépondreSupprimerEn tout cas, alors que nous sommes de notre côté entrain de rédiger ses mémoires, cela nous redonne du coeur à l'ouvrage.
A bientôt peut être.
Lady NGO MANG EPESSE
Merci pour ce témoignage.Je ne sais pas où est votre père mais ce brillant officier a bien mérité du Cameroun!
SupprimerMerci pour votre message. Et surtout beaucoup de courage dans la rédaction des mémoires du Colonel Mang Sylvestre
RépondreSupprimerMerci pr cet honneur rendu a ce vaillant soldat de la patrie. Merci encore une fois de plus
RépondreSupprimerMerci pr cet honneur rendu a ce vaillant soldat de la patrie. Merci encore une fois de plus
RépondreSupprimerUn vrai guerrier et patriote qui a marqué notre enfance
RépondreSupprimerIls était comme le Mac arthur de l'armée tout jeune lycéen des années 1976 lors des preparprépa du 20 mai on courrait toujours vers la place des fêtes pour voir les entraînements qu'il présidait et aussi admirer l'homme
RépondreSupprimerIl fut l'homme que'il fallait pour le rétablissement et le maintien de la paix au Cameroun.et le Cameroun manque jusqu'au aujourd'hui un homme comme le colonel Bouba kaele.
RépondreSupprimer